vendredi 22 novembre 2013

Prix Jules Rimet: "Un grand honneur"

Voici l'interview que j'ai donnée au site consacré au prix littéraire Jules Rimet, que j'ai reçu le 14 novembre dernier pour mon roman "Go Lance !".

La remise du prix.
Que représente pour vous ce prix Jules Rimet?
Jean-Emmanuel Ducoin. Un grand honneur. J’ai déjà reçu des prix journalistiques dans ma vie, mais recevoir un prix littéraire dépasse de loin toutes les émotions que je pouvais imaginer. Au moins pour trois raisons. La première raison, c’est évidemment cette forme de reconnaissance d’un genre littéraire devenu rare en France, le roman-docu, et je remercie vivement les membres du jury d’avoir osé défendre cette littérature-là, à la manière d’un roman-américain. J’ai donc l’impression que ce travail a été récompensé en grande partie en raison de la structure même de ce roman, qui s’attache à faire comprendre une réalité dans toutes les complexités d’un personnage. « Le roman, cette clef des portes closes », disait Aragon. C’est exactement ce qui a guidé mon écriture, ouvrir la porte secrète d’un certain Lance Armstrong, que tout le monde croit connaître, mais qui, en réalité, est un homme plus complexe qu’imaginé. Les avis sur mon livre sont souvent contradictoires : certains disent que je suis impitoyable avec Armstrong, d’autres affirment au contraire que je suis en totale empathie. Ce n’est en vérité ni l’un ni l’autre, juste le récit d’une ambition démesurée, d’un rêve américain qui était trop beau pour être vrai. C’est d’ailleurs le propre du roman : chacun fait sa propre histoire…

mardi 19 novembre 2013

Le prix Jules Rimet pour Go Lance !

Mon roman "Go Lance!", publié chez Fayard en juin dernier, a obtenu, jeudi 14 novembre, au premier tour de scrutin, le prix littéraire Jules Rimet.
 
La remise du prix par Denis Jeambar et Renaud Leblond.
Par Renaud Leblond, président de l'association Jules Rimet Sport et Culture:
«Le prix Jules Rimet se propose de célébrer la littérature sportive, française ou étrangère, sous toutes ses formes: roman, chronique, nouvelle, document. Créé par l'association Jules Rimet Sport et Culture, avec le soutien de la Fondation Jean-Luc Lagardère et de Nes&Cité, il est doté de 5000 euros. Après la victoire de Paul Fournel en 2012 (Anquetil tout seul, Seuil), le jury présidé par Denis Jeambar s'est réuni le 14 novembre au stade Bauer, à Saint-Ouen (là où évolue le Red Star Football Club depuis plus d'un siècle) pour désigner le nouveau lauréat: Jean-Emmanuel Ducoin, auteur de Go Lance! (Fayard), le "roman vrai" de Lance Armstrong. De Jules Rimet - fondateur du Red Star Football Club et père de la Coupe du monde de football - ce prix emprunte le nom et son double credo: le sport doit favoriser l'intégration sociale et ouvrir sur la culture. Tout en consacrant le travail d'un auteur, le prix Jules Rimet s'accompagne ainsi, chaque année, d'un programme d'ateliers d'écriture pour les jeunes des clubs de football. ''Travailler le corps, éveiller l'esprit'', disait Jules Rimet...»
 
Les jeunes du Red Star m'offre un maillot du club.
Par Denis Jeambar, président du jury du Prix Jules Rimet:
«Ils ont lu. Oui, ils ont lu puis, à la fois intimidés et fiers, ils sont venus offrir un maillot de leur équipe du Red Star à Jean-Emmanuel Ducoin, lauréat 2013 du prix Jules Rimet pour ''Go Lance!'', paru aux éditions Fayard. Des gamins qui ne pensent qu’au football mais qui découvrent, comme le disait  Flaubert, que pour vivre, il faut lire. Le prix Jules Rimet n’en est qu’à sa deuxième édition mais il a déjà atteint son double but: il célèbre le mariage de la littérature et du sport et démontre concrètement avec ses ateliers d’écriture, au Red Star à Saint Ouen et à l’Olympique lyonnais à Lyon cette année, la dimension sociale de la culture. La plus belle illustration en est cette confidence sans fard faite par Bafétimbi Gomis, la star de l’OL, aux jeunes footballeurs lyonnais pleins de rêves dans les yeux: ''J’en avais marre de signer des autographes en faisant des fautes d’orthographe. J’avais un sentiment de honte. Je ne pouvais pas me mentir à moi-même. J’ai donc commencé à lire et j’ai repris les études.''

lundi 18 novembre 2013

Inégalités: ça suffit !

Nous vivons une époque d’involution et de contre-révolution conservatrice, mais ce triste épisode de notre histoire contemporaine 
n’est pas fatal. 

Les Français ont au moins une constance dans leur colère qui pourrait nous inciter à une forme d’optimisme, fût-il modeste par les temps qui courent. Qu’on se le dise, ils ne supportent plus les inégalités, quelles qu’elles soient ! Notre sondage exclusif réalisé par l’institut CSA ne laisse aucune place au doute: 84% d’entre eux pensent que «la lutte contre les inégalités» devrait être «prioritaire» ; 90% affirment que «si rien n’est fait» ces inégalités se développeront dans les prochaines années ; et pas moins de 81 % déclarent que «les gouvernements peuvent s’ils le veulent» les réduire... Encore un sondage, diront certains. Attention, pour une fois, de ne pas sous-estimer les résultats de cette enquête singulière. Car dans ce moment si particulier de notre vivre ensemble, où nihilisme et égoïsme semblent dominer les comportements d’une humanité fragmentée, l’aspiration réévaluée à l’égalité n’est franchement pas anodine. Elle est même, avouons-le, plutôt réjouissante.

Nos concitoyens sont donc 84% à vouloir «réformer en profondeur» la société française. Ce n’est pas rien. Mais cette volonté affirmée suffit-elle, pour autant, à ouvrir de nouveaux horizons de résistances et de créativités politiques, en somme, est-elle assez dense, concrète et intellectualisée pour se transformer en conscience de classe émergeant sur un nouveau rapport de forces? 


vendredi 15 novembre 2013

Pétainisme(s): l'involution c'est maintenant

Ne plaisantons pas avec notre lucidité, elle est notre meilleure protectrice à l’heure où les bruits de verre brisé du racisme et de la haine ordinaire agressent la République en son cœur même. 

Actes. Toujours, jamais, encore... Pas de bonne catharsis sans la crainte d’une montée préparatoire aux extrêmes, comme s’il fallait régulièrement apercevoir la silhouette de Satan pour se convaincre que le temps presse et qu’il fait chaud dehors. La mise en abyme du trauma majeur n’a pas que des désavantages (incendie de Rome en 64, peste noire, nazisme, explosion nucléaire, nine eleven), au moins permet-elle une froide prise de conscience même si la brûlure s’avère déjà profonde sur le corps collectif. Mais d’où vient donc ce salaire de la peur – parfois bonne conseillère – perçu tardivement puisque sonner le tocsin ne garantit plus, hélas, une bonne écoute? Pour Marc Bloch, qui n’avait pas le culte des traditions figées, l’histoire n’était pas l’étude du passé, mais de «l’homme dans sa durée». L’historien ne disqualifiait pas l’ici et maintenant pour l’autrefois, mais unissait les actes du passé à ceux du présent. En France, en ce moment, le climat de putréfaction politique, social et éthique atteint un tel degré d’incandescence qu’il n’est pas stupide ni déplacé de se demander si une sorte «de point de difficile retour» (pour ne pas dire de non-retour) n’a pas été franchi, à partir duquel toute mollesse serait vouée à l’échec… Écrire ces mots, qui dilatent notre colère, aurait de quoi heurter notre intelligence, s’ils ne nous aidaient pas, comme disait Gracq 
en 1940, à «triompher de l’angoissant par l’inouï».

Dégoût. Ne plaisantons pas avec notre lucidité, elle est notre meilleure protectrice à l’heure où les bruits de verre brisé du racisme et de la haine ordinaire agressent la République en son cœur même. Longtemps tapie dans l’ombre ou non, cette xénophobie rampante mais assourdissante ne sort pas de nulle part, inventée du jour au lendemain par on ne sait quel maléfice. Fruit d’une lente agonie morale et médiacratique, le «tout-semble-permis» donc «tout-est-possible» nous revient en pleine figure à la faveur d’une crise sans équivalent depuis notre âge d’homme.

vendredi 8 novembre 2013

Souveraineté(s): avec la gauche, c'est le peuple!

Ne nous laissons plus voler par le Front nationaliste les concepts de nation et de souveraineté. Car de droite ou de gauche, la définition n'est pas la même...

La bataille de Valmy.
Paresse. Ainsi vivons-nous le temps des manipulations, doublé d’une immense fatigue collective. Il ne se passe plus 
un jour sans que l’odieuse litanie du Front nationaliste de Fifille-la-voilà nous soit déversée par les médias dominants, 
tous complices actifs ou passifs, assez complaisants en tous les cas pour qu’une odeur de décadence philosophique finisse par nous piquer les narines. Trop de raisons président à ce qu’il faut bien appeler désormais une «contamination des esprits». De 
la novlangue aux dérives idéologiques banalisées, tant de digues ont été rompues ces dernières années que toute résolution 
de chemin arrière nécessitera un temps-long, douloureux 
et expiatoire : il est plus difficile de reconstruire une porte que 
de l’enfoncer. L’affaire est sérieuse. Il suffit de se promener 
en France pour prendre la mesure d’une véritable libération de la parole xénophobe et nihiliste (les deux s’accommodent bien) comme manifestation compulsive d’une forme nouvelle de désillusion sociale et politique. Chaque événement d’actualité nous y ramène invariablement, à la fois par paresse intellectuelle et laxisme théorique, mais aussi par soumission 
à la communication politique imposée par la médiacratie 
des éditocrates, jamais les derniers pour rabâcher les banalités d’usage. L’extrême droite laissée en héritage par Papa-nous-voilà aurait «changé» jusqu’à devenir «fréquentable». Mieux, le FN aurait tous les traits d’un «parti comme les autres». Cruelle vérité: la soi-disant transgression de Fifille-la-voilà nourrit autant les médias en quête d’audience que le mal lui-même.

Nation. À ce propos. L’importance de vos réactions 
à la suite du bloc-notes du 18 octobre dernier, déjà consacré à la menace du Front nationaliste, et l’ampleur de vos interrogations autour de la question «de la nation» évoquée ce jour-là méritent un match retour (et probablement plus dans les semaines qui viennent). À vos yeux, non seulement reparler de la nation n’est pas un sujet tabou, mais il serait même redevenu primordial, comme s’il fallait compenser subitement des années de non-dits à l’intérieur même de la gauche-de-transformation. À une condition bien sûr: se (re)mettre d’accord sur la notion même de nation. 



jeudi 7 novembre 2013

Politique économique: et ils sont contents !

"Il n’y a pas aujourd’hui 
de volonté 
de bouleverser 
le système", 
selon Pierre Moscovici, ministre de l'Economie. Tout est dit.

Et ils sont contents! Alors que Bruxelles vient, une fois encore, de réclamer à la France davantage d’économies et des «réformes urgentes» pour libéraliser un peu plus le «marché du travail», deux de nos ministres ont réagi en harmonie, presque avec enthousiasme. Le ministre de l’Économie, Pierre Moscovici, a d’abord réaffirmé «l’engagement» de réduire les déficits, «persuadé» qu’il y aura «un terrain d’entente» avec la Commission dans les prochaines semaines. Puis son ministre du Budget, Bernard Cazeneuve, a surenchéri: «S’il est nécessaire de faire plus d’économies, nous le ferons.» L’affaire concertée – et consternante – ressemble à s’y méprendre à une célèbre scène du Barbier de Séville, de Beaumarchais. Le comte demande: «Qui t’a donné une philosophie aussi gaie?» Figaro répond: «L’habitude du malheur. Je me presse de rire de tout de peur d’être obligé d’en pleurer.»

Les prévisions et les recommandations de Bruxelles s’inscrivent dans un nouveau périmètre de surveillance budgétaire. L’exécutif européen possède désormais un droit de regard sur les budgets des États de l’Union. Il rendra même son «verdict» le 15 novembre. Ceci explique en partie la réaction docile de nos ministres, mais en partie seulement! Car la doctrine économique du triumvirat Hollande-Ayrault-Moscovici est non seulement rompue à l’exercice austéritaire mais adaptable en tous points.